HOMMAGE AUX ANIMAUX

Posté le par Louis dans Récit et littérature

C’est comme à Noël et je suis ton dauphin,
petite…

Mais :

Sa Belle l’interrogeait ainsi :

Aimes-tu les animaux ?

CHLODOWIG fronça le sourcil, presque fâché de cette question sotte et bizarre.

Tu sais, ma Belle, Toi qui est ma panthère, ma panthera tigris tigris et parfois, malheureusement, ma petite hyène :

Crocuta-crocuta :

Voilà ce que je veux te dire des animaux.

Un jour, c’était un dimanche, que j’étais malade, que mes mains l’étaient, je me trouvais chez un vigneron, attendant un groupe de marcheurs au milieu desquels  se réjouissait mon épouse adorée Josette.

C’était l’automne.

Alors que j’étais Assi à l’écart sur un banc à lattes de bois, (à l’écart j’aime être),

Deux chats se sont approchés, que je ne connaissais pas.

Chacun s’assit, respectivement à ma gauche et à ma droite, le flanc tout serré contre mes jambes.

Ils étaient si doux, si souples, si beaux et si bons.

Leurs moustaches savantes reniflaient mes mains, (moi aussi je renifle tout) :

Alors, comme un miracle :

Ils fourrèrent leur tête, l’un et l’autre, dans chacune de mes pauvres mains presque fermées par la douleur et les neuropathies dont je souffrais à ce moment-là.

Là, longtemps, le temps était comme suspendu :

Ils demeurèrent immobiles, leurs braves têtes de félins carrées dans la paume de mes menottes :

C’était comme s’ils savaient et ils savaient, c’étaient comme s’ils voulaient, avec leur petit cœur de bêtes, douces et puissantes :

Me guérir ou a minima me consoler :

Me faire du bien.

Merci, gentils chats du vigneron :

Vous m’avez peut-être délivré de la raideur de mes mains ou peut-être de celle de mon cœur !

Merci, braves petits fauves qui savent tant et tout…

Toujours, je me mettais à l’écart et m’y tenais et toujours des animaux venaient me rendre visite.

Pourquoi ?

Parce que, tout comme moi, ils détestent le tumulte et l’hystérie.

Ils s’en venaient contre moi pour me parler et pour m’entendre :

Les animaux adorent qu’on leur parle, longtemps, longtemps, calmement, calmement.

Et donc qu’on les écoute.

Petit, quand je me sentais en détresse ou en danger, j’appelais les chiens à ma rescousse, avec mon cri d’appel, pas hurlé, mais montant, lentement, du grave vers l’aigu, avec une insistance appliquée :

Alors ils venaient en bande me délivrer du péril :

Souvent de la violence des garçons mal dégrossis.

J’ai toute violence en horreur, en aversion tout agression.

C’est pourquoi les animaux se reposent auprès de moi, dans un dialogue souvent

infra verbal…

Et que dire des chevaux ?

Comme leur cœur est effrayé, car les humains sentent fort la viande :

Ils les ressentent comme des prédateurs.

J’aime à bouchonner les chevaux et à les conduire à la longe.

Il faut toujours, toujours, les rasséréner :

Ils sont si craintifs, malgré leur 800 kilogrammes de muscles et de nerfs.

Je leur ressemble à bien des égards :

Mes membres sont fins, j’ai beaucoup de puissance et je suis bien fragile.

Quand on me touche les chevilles, je me sens comme un pur-sang :

J’ai mal et j’ai peur.

Ils venaient spontanément vers moi, me poussaient pour me présenter leurs grands yeux souvent chassieux ou crottés :

Comme ils aiment que l’on nettoie gentiment les yeux, qu’ils ont si grands et si imparfaits dans la vision déformée et un peu hallucinée qui est la leur :

Comme la mienne :

Chimérique et anxieuse, malhabile jusqu’à la cécité. 

Et que te dire, ma Belle tigresse, des fauves ?

Je les vénère.

Chaque soir, au Jardin des Plantes de Paris, j’allais assister, vers 17 h 00, à leur repas terrible.

C’est si beau comme ils se repaissent, déchiquetant de grands quartiers de viande sanguinolents :

Avec des rugissements et des feulements qui m’ont toujours, toujours, ravi, jusqu’au tréfonds de l’âme.

quelle royauté, quelle majesté, quelle puissance souveraine et terrorisante pour des oreilles mal éduquées.

Car, si j’ai en horreur toute violence, ce n’est que si elle est une violation :

Eux, ils ne violent aucune loi :

La prédation, c’est leur travail et leur nature :

Ils sont programmés pour tuer.

VIVRE C’EST TUER

Car VIVRE TUE…

Tout être qui serait vivant, même fabriqué de toutes pièces par l’homme, en combinant des gènes et des organigrammes-losange,

 avec une source d’énergie, telle une mitochondrie :

Hé bien, oui :

Cet être commencerait par tuer, pour s’alimenter et disposer d’énergie, après quoi, il chercherait à se reproduire.

Et comme la nature est prudente et si rusée :

Manger et se reproduire engendre un vif plaisir, voire un orgasme :

Ainsi la vie est bien certaine, par le piège nécessaire de la jouissance, de toujours, toujours,

Se propager :

Pour évoluer, progresser, devenir :

Ah ! Comme la VIE est intelligente.

D’ailleurs, je te le dis, ma petite panthère en jupette :

L’intelligence et la vie ne sont qu’une et même entité :

C’est tout à fait la même chose, avec un autre nom.

Moi aussi, je prends d’autres noms,

Comme CHLODOWIG, mais ce n’est qu’un subterfuge :

Cela veut tout bonnement dire Louis, par Ludovic et par Clovis.

J’aime à brouiller les pistes.

Tiens, les pistes, cela me rappelle la piste en latérite rougeâtre d’Amazonie ou d’Afrique.

Sous la poussière de sang,

Notre voiture cahotait à se démonter, il faisait chaud, lourd, sous des nuages violacés, virant au noir.

La nuit tombait comme un couperet, vers 19 h 00 :

Je veux parler ici de l’Equateur :

Juge de paix qui divise strictement la journée en deux fois douze heures, de jour et de nuit…

Comme j’ai aimé les serpents en Amazonie, surtout le Grage, cent pour cent mortel.

Il est jaune, mesure dix centimètres mais sa morsure est sans appel.

Ah ! Le venin !

Ma Belle, parfois tu es vénéneuse :

In coda venenum !

Souvent tu es venimeuse :

Mais tes petits crocs, je les rogne :

Je t’embrasse quand même, petite gueule d’enfer, d’enfer vert !

A Lausanne, j’aime aller au vivarium :

Je me sens comme un herpétologue (spécialiste des reptiles) :

Le grand python José, je le caresse, lui parle, même s’il n’a pas d’oreilles, il ressent les vibrations de ma voix.

Il m’explore savamment de sa langue fourchue qui le renseigne sur tout :

Il se roule en boule dans mes bras, car je le réchauffe tout doucement, lui raconte des tas de choses ou des légendes de ses ancêtres :

Il monte sou mon pull :

Puis, je crois qu’il s’endort.

Sa peau est régulière et douce :

Ses mouvements sont parfaits :

On se comprend !

Un vrai phallus marrant !

C’est comme les scorpions, ils sont trop cool !

Je me sens plus ophidien (relatif au serpent) que les ophidiens.

Plus léonin que tous les lions.

Les perroquets aussi m’amusent :

J’ai longtemps, longtemps, eu un cacatoès :

Blanc avec une crête jaune :

Il était sympa, disons elle, c’en était une.

Elle adorait la testostérone, ne se blottissant que sur les thorax bien poilus et suants :

Quelle petite garce savante et si rigolote !

Un jour où Bénédicte et mésigues nous étions perdus dans la forêt amazonienne :

Nous n’en menions pas large.

Deus épisodes valent d’être contés ici :

Grâce aux harrats, grands perroquets verts et criards en veux-tu en voilà :

Nous avons retrouvé la sortie vers la réserve.

Il faut dire que nous n’avions pas pris au sérieux le petit panonceau qui disait  solennellement :

Vous entrez ici au péril de votre vie…

Ah ! la jeunesse, ce que c’est que la tendre jeunesse !

Mais Bénédicte, que j’appelais Nédi,, (son père était furieux de notre connivence amoureuse) :

C’est un banquier stupide, qui se pique d’aristocratie, avec sa particule :

Sa partie-cul !

A vu luire deux yeux du danger, dans la nuit humide, même en plein jour, de cette forêt du délire :

C’était vrai :

Deux yeux de jaguars…

Mais, que l’on se rassure, ils étaient dans un enclos, toute une tripotée.

Quelles magnifiques bêtes, tonnerre de Zeus !

Surtout, Nédi, comme Carole plus tard sur des photos, fut impressionnée par les génitoires de la bestiole :

Sérieusement membré et couillu, le jaguar :

Fort sévèrement burné !

Si rapide et si beau.

Si j’aime les animaux, ma Belle, maintenant, tu comprends que je me sens moi-même un animal.

Viens me caresser plumes et poils soyeux, mon assoiffée de libido :

Quand tu me dis :

Autour, autour, tout le monde comprend ce dont tu parles.

Femme-femelle de mes orages !

Mais, tu sais, ma toute chérie aimée, j’aime autant les minéraux et les végétaux.

Citrines, améthystes, topaze bleue, œil de tigre :

Ce sont mes meilleures copines, mes complices de santé et de joie.

et les fleurs, je les connais si bien, et les arbres.

J’ai contemplé la vie, dans les jardins, solitaire, pendant toute mon enfance :

Papa était paysagiste…

Pour finir, je voulais te raconter le racisme et la tuerie :

Un jour, nous avions introduit dans la même pièce d’eau, fort vaste, différentes races ou espèces de truites :

Des saumonées et des arc-en-ciel, notamment.

Et voilà, je vais te faire mal, mais je te veux lucide, ma petite salope de mon cœur nu :

Elles se sont entre-dévorées, pour le territoire.

Chaque matin, l’une ou l’autre flottait à la surface, le ventre en l’air.

Chaque soir, l’une ou l’autre était blessée grièvement.

Elles sont toutes mortes.

Crevées les truites !

Détruites…

Tu vois, mon Amour, les humains n’ont rien inventé.

Par contre, dans la Même pièce d’eau, polluée avant que nous n’en ne désensablions la source :

On ne voyait aucun poisson, aucun alevin halieutique, ni tanche, ni cyprin qui devaient pourtant s’y trouver selon d’anciens récits.

Or,

Lors de la vidange totale du bassin, juste avant l’affaire des truites détruites, qui ne vivent qu’en eau vive :

Nous avons trouvé des centaines de poissons et d’alevins, dans la vase profonde et pourrie du puisard, qui flanquait ledit bassin :

Ce jour-là, j’ai compris que la vie était, non seulement robuste et atroce, mais indestructible !

Ça grouillait, j’ai bien dit grouillait, non de rats :

Mais de carpes, gougeons, gardons, tanches, cyprin décoloré par l’âge, mu raines, :

Oh ! mon pauvre neveu, si sensible, si fragile, m’en a reparlé à l’occasion du mariage de sa petite Sœur :

Je t’aime, mon Raphaël :

Ne t’inquiète pas, je suis ton Tonton Louis et moi aussi je me souviens…

Tu étais si petit, quand tu as vu cette pêche miraculeuse :

Tu es toujours si petit, dans ton grand corps d’adulte :

Au mariage, tu m’embrassais sur la tête, plein de détresse et d’amour…

Mon tout petit…

Tu sais, ma Belle, à propos des homosapiens :

Par leurs inventions, ils copient la nature,

Par leurs guerres, ils suivent sa loi :

La loi du plus dur !

J’en ai tiré bien des leçons.

Ainsi, quand j’étais un garçonnet tout romantique, les filles ne me regardaient pas :

Dès que j’ai compris qu’elles attendaient un peu de puissance et beaucoup d’orgueil,

Avec de la connerie en barres et une bonne arme entre les jambes :

Elles m’ont obéi et,

Même aujourd’hui, j’en suis tout triste.

Parce que :

Ton CHLODOWIG :

S’il est lucide, il reste le plus sincère des hommes.

Maintenant, rentre chez Toi ;

Pour ce soir, je t’en ai assez dit.

Bien assez, petite crapule si désirable…

Donne-moi ta bouche et ton corps, puis disparais jusqu’au prochain épisode :

La vie n’est qu’un jeu.

JE SUIS JEU…

C’est comme à Noël et je suis ton dauphin…

Petite

   Ma petite Delphine !

Louis Polèse
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