LA ROSERAIE DES PROMESSES

Posté le par Louis dans Récit et littérature

La Roseraie des Promesses
Là, majestueuses, belles comme un soir de fête au château, droites pour plaire :
Une armée de roses…
Enivrantes…
Hypnotisantes…
Envoûtantes…
Magnétisme de feu fou !
Nous prîmes place au milieu de ces Belles apprêtées pour la danse et la joie :
Sophie et moi, sur un vieux tronc de chêne bien amical.
Nous le recouvrîmes de deux selles de chevaux :
Longs flancs imaginés
de bêtes adorables parmi les roses follettes !
…Et nous nous assîmes l'un derrière l'autre :
Sophie devant moi, toute en grâce, toute en sourires…

C'était l'été ; mais une fin de matinée nuageuse où il fait bon, pas un frisson, ni de chaleur ni de froidure :
Un parfait équilibre d'exister, tranquilles, la respiration libre et régulière…

Là, au beau milieu de nos amies de toujours, roses de l'espoir et du délire  cordial :
C'était miracle, miraculeux été de l'espérance…
Exhalaisons de saison, où je perds la raison dans la contemplation de TOI…
Nous jouâmes à …
Aux…
amoureux :
L'un de ces jeux qui tournent mal quelquefois…

Mais là, c'était pour de sûr, pour de vrai, pour Toujours ; elle portait des rubans dans les cheveux qu'elle avait longs, lisses et blonds,
Avec un serre-tête de velours rouge sombre :
Une Princesse qu'elle était, ma Princesse des jardins.
Avec ses regards d'émeraude insondable !
Ce mot Jardin faisait battre mon cœur comme un galop de cheval :
Ces pauvres bêtes si peureuses et si extraordinaires :

Quand elles vous reniflent aux cheveux, avec leurs immenses yeux pleins d'affliction et de confiance en vous.

Museaux bénis, conquêtes vénérables de nos ancêtres :
Non, que je leur disais :
Je ne suis pas un prédateur, tu n'es pas une proiepour moi :
je suis ton ami…
Je vais te conduire aux prés fleuris, où tu pourras fourrer toute la vie de ton immense corps, de force et de fragilité !

Les roses de notre passion lançaient vers le ciel leurs fragrances formidables :


Insaisissables comme l'est depuis toujours toute beauté.

Miraculeuses…
Merveilleuses…
Sophie, Tu es merveilleuse vraiment !
Je crois que Tu es Formidable !
TELLEMENT…
Soudain, soudain :
La grêle.

Alors que nous jouions à dire des plaisanteries dans l'air tiède troublé par instants de légers, si légers souffles :
Annonce d'halètements, d'allaitements, de…
Alors que nous faisions les cavaliers, enfants des jardins bénis,
Alors que tout était calme et empli des évaporations florales et fruitées : hypnoses bleuissante du parfum des roses amies :
Là, soudainement :
Une grêle formidable…

A nos pieds, nous trouvâmes deux sacs de toile de jute, sentant le souterrain, l'ombre et la provision d'hiver :
Nous nous en revêtîmes tout entiers et courûmes vers le cellier, à une cinquantaine de pas.

Les grêlons nous fouettaient, nous tapaient sur la tête comme baguettes de tambour :
Ça faisait bien mal et nous rigolions :
Fanfare et Fanfarons !
Car nous étions deux enfants joyeux, si doux, si paisibles :

Elle et moi, Sophie mon adorée et moi son amoureux transi de joie d'être auprès de sa
bien-aimée, toute belle, ma toute Belle…
Toute charmante et tellement pure…
Je brûlais d'Elle…
Nous dévalâmes les degrés qui menaient au cellier et nous y abritâmes, reconnaissants…

Le matin-même, (nous approchions de midi), nous y avions déposé le pain que Sophie aimait à confectionner, avec tout son sérieux de dix-sept ans :
Ses mains blanches dans la blanche farine faisaient à tous les coups bondir mon cœur !

Il était encore tiède, ce pain du bonheur partagé,
sentant l'appétit d'être ensemble…
Il y avait aussi des fruits de l'été :

Abricots savoureux, succulentes nectarines et des barquettes de baies :
Framboises et myrtilles du sentiment si délicieux d'être amoureux…

Il faisait un peu frais dans le cellier ; sur des clayettes reposaient encore quelques pommes toutes fripées, ridées comme la sagesse des sages, récoltées la saison passée…

La réserve de bûches et l'odeur des outils se mariaient pour former dans nos esprits ce qui nous rassurait tant :


L'odeur de nos papas, des ouvriers, des jardiniers :
Des hommes qui aimaient les outils et les cheminées qu'ils ornaient eux-mêmes de chenets ravissants et rustiques, sous des marbres incertains :
Carrare ?
Cas rares en tous cas…

Cela sentait la bonne poussière des sciures et des limailles, des huiles de travail et des sueurs nobles des travailleurs !
Des tabliers des ménagères à la besogne :
Avec de rondes frimousses à croquer !

Là, à l'abri, nous attendîmes que l'orage de grêle s'éloigne et nos lèvres se rejoignirent…
Pour la toute première fois…

Je lui caressai très doucement les cheveux, embaumés des plus profonds parfums de vivre ensemble, pour faire des bébés et des maisons :
Et des saisons d'aimer !

Elle me murmura des choses si intimes, qui sortent du cœur des filles :

Elles qui porteront toute vie en elles :

Si intérieures et si attirantes, si désarmantes aussi…

Nous étions côte à côte sur de vieux cartons solides :
Adoubés de la vie, idolâtrés de l'amour :

Nos épées étaient de lumière, nos armures de transparence et nos combats de plaisir et d'innocence.

Quand l'orage se fut apaisé, nous ne l'étions plus du tout :

Le désir s'était emparé de nos jeunes baisers…

Aussi, nous restâmes fort longtemps dans notre refuge souterrain.

Là encore, nous nous régalâmes des victuailles, des vivres de bénédiction, pour reprendre des forces :
Après s'être avoué, par mille mots chuchotés et mille câlins retenus,
Nos dénuements, nos dénouements… nos nudités…
Nos faiblesses…

Sophie, viens, reviens vers moi…
Ma Sophie !
Dans ma poitrine, l'appel, un cri d'espoir brisé ou un souvenir bienheureux !

Sophie me regarda avec amour :

que se passe-t-il, mon petit chéri tout fou ? –

C'était tout moi :

Mon esprit avait franchi toutes les frontières du temps des hommes pour se baigner dans l'avenir et dans le passé…

Je revins à moi, pour ainsi écrire et j'étreignis de toute mon espérance, ma foi et mon amour
ma nouvelle fiancée, ma première épouse adolescente :

Epouse ?

Figurez-vous que nous nous mariâmes symboliquement, donc vraiment :

Dans la serre…

Au beau milieu des plantations, dans la chaleur que n'éteignaient qu'avec peine les paillassons déroulés sur le toit de verre !
… Cela sentait la terre vivante, la VIE !
La feuille tendre et le fruit prometteur !

Cette année-là, le cactus au fond de la serre, sur un petit trépied de bois fatigué avait fleuri !

C'est extrêmement rare d'observer, de toucher une fleur de cactus…
C'est multicolore, tel un petit soleil d'arc-en-ciel merveilleux !
Vallée en fleurs, quand Tu m'appelles : mon petit Soleil, mon tout-petit, dans Ta langue qui est le russe :
Malinnki, Sladinnki, Idiomm, idiomm…
Traduction : Mon petit, ma douceur d'être, viens, viens…

Je dis à Sophie :

Tu vois, même au fond des déserts les plus inhospitaliers :

La beauté fleurit, comme au ciel antérieur de mon cher Mallarmé…

La beauté triomphe quand même.
Tu m'aimes ?
Dis !


Là, on se passa au doigt de vraies alliances, que nous avions achetées en grand secret, avec notre petit pécule…

Pas de maires, pas de prêtres ni de pasteurs :
Sans autres témoins que les couleurs vives des floraisons, l'humus qui serre la gorge, tant il nous parle du vivant bonheur :
Des rousses frondaisons, du dégradé de rousseurs mordorées, pelage d'écureuil magique !
De l'automne si mystérieux…
Qui vient, à pas de chats, quand le feu ronronnera, grondera, sentira les écorces de mandarine jetées dans son grand coeur de feu par des mains enfantines !

C'était aussi comme un souffle d'océan, une haleine d'enfantement, un duel vital…

Nous nous cachions et c'était beau de se cacher :

Ce qui est caché :
Est plus grand que ce qui est à découvert :

Ce qui est à découvrir fait vibrer tout notre être…

Je dis à ma Sophie, (c'était mon serment) :

Je t'aime de tout mon être.

Son serment à elle fut :

Je serai tienne pour toujours…

La pluie faisait parler les roses :

Elles nous saluaient avec respect, parce que nous nous aimions…

L'amour comprend l'amour comme la vie comprend la vie…

Souventes fois, nous retournâmes nous asseoir au milieu de la roseraie, dans l'extase d'être au monde, dans la certitude que le monde était beau,
Dans l'amour réciproque :

Celui qui ne fera jamais souffrir :
Même moi, qui suis si fragile et tant aimant…

OH ! Haute Brise, La Haute Brise !

SOPHIE !

Ma SOPHIE :
Sagesse de ma jeunesse, bonheur de mon ventre et de mon esprit, fée, sainte, Muse, fille, épousée, maman !

Nous Nous AIMONS, pas vrai ?

Oui, redis-le encore, ma coquinette !
S'il te plaît

Louis Polèse
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